Les robots sont partout, ces machines (petites ou grosses) sont utilisées dans l’industrie, dans l’exploration spatiale ou sous marine, dans la vie domestique avec des applications informatiques qui agissent pour nous ou qui interagissent avec nous lorsque nous nous servons de nos ordinateurs ou de nos smartphones.
En quelques décennies les robots sont devenus des acteurs incontournables de la vie économique. Les tâches qu’ils assument ou les distractions qu’ils procurent ont aussi un impact significatif sur la vie sociale et sur le comportement de l’homme.
Ces machines modernes, dont l’utilité est avérée, suscitent pourtant des craintes de toutes sortes qui confinent parfois au fantasme. Le champs des possibles que leur ouvre l’Intelligence artificielle interpelle à tort ou à raison sur la capacité des hommes à maîtriser ces robots surdoués, en toute circonstance.
Pour apprécier les « opportunités et les risques » du développement de la robotique nous allons voyager dans leur univers et tenter d’analyser la portée de l’évolution technologique qu’ils représentent …
Les ancêtres automates
L’histoire des robots commence avec les automates qui obéissent à des programme préétablis. Les premiers automates ont été inventés en Égypte au troisième siècle avant J-C par Ctésibios d’Alexandrie : une horloge à eau très précise et une machine aux allures d’oiseau chanteur pouvant faire de la musique (l’hydrolaus). Plus tard, lors de leurs croisades les européens découvriront les automates orientaux qui inspireront les “jacquemarts”, personnages de bois ou de métal frappant les cloches au sommet des églises. En 1495, Léonard de Vinci dessine à son tour, un automate de forme humaine : un cavalier en armure qui pourrait se lever, bouger sa tête, ses mains et ses pieds.
Au XVIIIème siècle Jacques de Vaucanson, invente un “canard mécanique ” et un automate à forme humaine qui joue d’un instrument à vent. A la même époque le tisserand Basile Bouchon développe le concept de la machine programmable : son mécanisme utilise une bande de papier perforé pour contrôler le passage des aiguilles dans le tissu. Le tisserand Jacquard a l’idée de séparer les cartes perforées de la machine : le métier à tisser automatisé est né! Premier automate de fabrication, le « métier Jacquard » sera produit à des milliers d’exemplaires.
De tout temps l’homme a cherché à reproduire artificiellement ses activités avec des machines à son image.
Premiers robots
C’est à partir du début du XXème siècle que vont apparaître les premiers « vrais » robots équipés d’un ou plusieurs capteurs collectant des informations dans l’environnement immédiat de la machine qui, après traitement, conditionneront les actions qu’ils effectuent ensuite : chien électrique de Hammond et Miessner (1915), tortues cybernétiques de Walter (1950), renard électronique de Ducrocq (1953)…
C’est également à cette époque que les mots “robot” et “robotique” sont apparus :
- robot, dans la pièce de théâtre R.U.R. (Rossum’s Universal Robots) du tchèque, Karel Capek, en 1920. (le mot vient de “robota” qui signifie “travail du serf” en tchèque),
- robotique, néologisme utilisé pour la première fois par Isaac Asimov dans ses œuvres de science fiction en 1941.
Les robots au service de l’homme
Le premier robot industriel, Unimate, est inventé aux États-Unis par George Devol. Il est produit en 1960 et vendu à General Motors. Au delà de son caractère historique cet évènement est un important élément du débat relatif au remplacement de l’homme par la machine, notamment dans un secteur industriel (l’automobile) où le taylorisme s’est imposé très tôt. La robotique industrielle a d’abord des applications sur le soudage, la peinture et l’assemblage. Très vite les robots industriels deviennent plus performants : il travaillent en chaîne, ils sont équipés de systèmes de vision et les progrès de l’informatique permettent de les synchroniser et de les piloter à distance.
Le pionnier de l’exploration spatiale robotisée, Lunokhod 1 va sur la Lune en 1970 pour y parcourir 10 km et envoyer plus de 20 000 images. Vient ensuite Viking, premier robot à se poser sur Mars en 1976 pour en étudier la surface. Plus récemment le rover Curiosity, déposé sur la planète rouge en 2012, collecte une masse considérable d’information pendant 7 ans.
Le tout premier robot submersible, l’Épaulard est mis en service en 1980 en France. Avec une autonomie de 7 heures il peut descendre à 6 000 mètres de profondeur. Outre l’exploration, ces robots sous-marins sont utilisés pour localiser des épaves, pour l’extraction pétrolière et pour la maintenance des lignes et infrastructures sous-marines, telles que les câbles et les oléoducs et sous-marin. Ils peuvent également être utilisés pour des opérations militaires, notamment la surveillance ou le déminage.
Dans le secteur nucléaire Le CEA a d’abord conçu le Robot MERITT, un engin télécommandé pouvant effectuer des observations vidéo, des contrôles de sécurité et des opérations de maintenance dans les circuits hydrauliques des centrales nucléaires. Centaure verra le jour 1986 : il peut entrer dans un bâtiment, monter les escaliers, pénétrer et fonctionner à l’intérieur d’une cellule blindée aux portes fermées. Son électronique, extraordinairement robuste lui permet de résister aux radiations.
La robotique militaire a été développée dans trois directions : 1/ Les robots mimétiques, qui imitent le vivant pour transporter du matériel ou ravitailler les hommes; 2/ Les robots de remplacement des soldats : robots sentinelle, robots d’assistance médicale pour extraire un blessé d’une zone de combat, robots offensifs qui peuvent effectuer des missions de reconnaissance et faire feu si besoin (certains de ces robots sont programmés pour s’autodétruire en cas de « capture »); 3/ robots multifonctions autonomes. L’utilisation militaire de robots pose des questions morales et éthiques, en particulier sur leur autonomie décisionnelle.
Les technologies robotiques ont maintenant des applications multiples dans l’agriculture (semis, fertilisation, récoltes), dans les mines (transport du minerai, inspection des galeries), dans les activités de démolition, dans la logistique (manutention dans les entrepôts, livraisons), dans la finance (robots traders sur les place boursières), dans le commerce (caisses automatiques), dans la banque de détail (guichets interactifs)…
Les robots modernes sont capable d’effectuer des tâches très complexes. Dans des infrastructures (bâtiments, ponts, viaducs, barrages…) il peut s’agir de l’inspection, de la surveillance et de la sécurité. Dans le secteur de la santé humaine ce peut être pour faire un diagnostic (analyses biologiques, imagerie médicale), pour soigner (chirurgie mini-invasive, téléchirurgie) voire appareiller avec des prothèses mécaniques contrôlables par le cerveau. La restauration connaîtra peut-être aussi une révolution robotique : l’entreprise anglaise Moely a conçu un robot « chef » dont les recettes y lui sont auparavant enseignées par mimétisme.
Il est important de signaler à ce stade de l’exposé le développement robots collaboratifs, ou « cobots » conçus pour travailler de concert avec les humains avec une grande agilité. Analyse d’images et apprentissage machine, combinés à des nouvelles générations de bras articulées et des capteurs miniaturisés ultra-sensibles, permettent d’identifier des objets, de les saisir et de les manipuler avec précision sans les abîmer (pour les trier dans un entrepôt par exemple). Ces cobots peuvent aussi être des exosquelettes qui facilitent le travail de l’homme dans la construction, les travaux publics…
Le robots peuvent faire bien plus que de la manutention.
En Angleterre, un « avocat-robot » a fait annuler 160 000 contraventions de Londoniens depuis son lancement. En 2015 Peter, un avocat virtuel spécialisé dans la création de start-up a été récemment mis au point aux États Unis L’entreprise française Yperlex a développé l’application LiZa qui apporte des réponses aux internautes sur les procédures de divorce. Les professionnels du droit s’inquiètent d’une « uberisation » de leur métier. Les robots-comptables effectuent les taches répétitives : saisie, rapprochement bancaire…
Les interprètes virtuels sont déjà à l’œuvre : une entreprise japonaise a créé Ili, un petit boîtier capable de traduire vocalement ce que dit l’interlocuteur ; avec i Translate ou encore Google traduction, en pointant caméra du smartphone sur un panneau ou un menu de restaurant, le texte en anglais ou en chinois s’affiche en Français son écran.
Plus surprenant encore, en Chine un robot qui présente le Journal Télévisé a fait son apparition fin 2018. Il peut lire un prompteur, lancer des vidéos.
Des robots pour éduquer et former
De grandes banques, comme le Crédit Agricole font des formations du personnel avec le « chatbot » (agent conversationnel) CArl qui accompagne les conseillers en situation de travail sur des questions relatives aux opérations qu’ils traitent.
Le robot éducatif Sphero est dédié à l’apprentissage intuitif du code par les enfants. D’autres robots sont devenus très populaires dans certains collèges et lycées apprentissage (Lego Mindstorms pour la programmation, Thymio44 pour initiation à la robotique). Pour les autodidactes Mondly a développé un « Chatbot voice » pour l’apprentissage des langues.
Au jour le jour, les robots sont omniprésents
Transports (métro automatique aujourd’hui, véhicule autonome demain ?), vie domestique, (aspirateurs, tondeuses à gazon, nettoyeur de piscine, etc.), jouets et surtout les multiples applications chargées sur nos smartphones (moteur de recherche, calcul d’itinéraire, chatbot, tracker d’activité, publicité ciblée …
Ce foisonnement des applications de la robotique interpelle à plusieurs titres
- L’exécution par les robots de tâches assumées par l’être humain va t il le priver de travail et donc de revenu ?
- La capacité toujours plus grande des robots et l’autonomie que leur confère l’Intelligence Artificielle constitue t elle une menace physique ?
- Quels sont les risques Robot-dépendance matérielle et psychologique ?
1. Les robots et l’IA pourraient bientôt bouleverser le marché du travail
Le cabinet de conseil McKinsey & Company a publié en 2017 un rapport intitulé “Emplois perdus, emplois gagnés : les transitions de la main d’œuvre à une période d’automatisation” dans lequel est estimé l’impact de la robotisation et de l’intelligence artificielle (IA) sur l’emploi d’ici 2030, qu’il s’agisse d’activités répétitives ou des activités cognitives complexes exercées des professions intermédiaires ou de cadres.
Avec les technologies actuelles, ce serait moins de 5 % des métiers qui risquent d’être entièrement automatisés. Cependant, une majorité de professions va connaître une automatisation partielle : 60 % des occupations professionnelles verront au moins 30 % de leurs activités robotisées ou prises en charge par l’intelligence artificielle selon cette étude.
D’ici à 2030 ce sont 400 à 800 millions de personnes qui auraient à chercher un autre travail. 75 et 375 millions d’entre eux devraient changer de catégorie professionnelle et apprendre de nouvelles compétences.
Le développement des activités robotisées ne débouchera pas vers une relégation des humains à l’obsolescence et à une inactivité forcée générant un chômage massif. La robotisation des activités pourra être compensée par la création d’emplois dans d’autres secteurs. En effet, cette nouvelle organisation induit forcément une demande de travail dans les métiers de l’ingénierie, de la science, de la technologie et de l’analyse sans lesquels la robotisation n’est pas possible. Il ne fait aucun doute que l’homme exercera un autre métier aux côtés des machines, avec davantage de valeur ajoutée ou de relation humaine Des métiers nouveaux apparaîtront : en 2017 on estimait 85% des métiers de 2030 n’existaient pas encore.
De tout temps l’homme a su s’adapter, avec une réactivité variable certes, et il n’y a pas de raison qu’il ne soit plus capable de le faire. L’histoire ne manque pas d’exemples de pays qui ont géré avec succès des changements technologiques en investissant dans l’éducation-formation de leur main d’œuvre et en adaptant leur politiques.
Le travail de demain ne sera vraisemblablement plus une question de « métier » mais un capacité à utiliser des savoirs et des savoir-faire évolutifs dans le temps. Ce qui est manuel, prévisible et non cognitif sera probablement réalisé par des machines ou des processus informatiques gérés par l’intelligence artificielle. La stratégie, l’organisation et le pilotage de systèmes complexes (et/ou composites) restera à la main de l’homme comme la recherche, l’innovation, ainsi que les relations et les ressources humaines. La transition vers cette nouvelle ère nécessitera des formations en cours de carrière, une flexibilité du marché pour la reconversion et des investissements dans une éducation on l’on apprend à apprendre. L’effet de cette transition sur le chômage et la productivité dépendra également de la capacité d’anticipation des « décideurs » (gouvernement et chefs d’entreprise) et des citoyens-travailleurs (salariés ou non).
Plus généralement et sans tomber dans l’angélisme on peut raisonnablement penser que l’homme sera toujours plus intelligent que les robots les plus sophistiqués auxquels il saura donner des limites pour une « coopération homme-machine » harmonieuse et efficace. L’«acceptation sociale» des robots est un sujet central et ce n’est pas qu’une question de communication.
2. L’autonomie que l’IA confère aux robots militaires est-t-elle une menace ?
Les robots de combats et les drones tueurs autonomes sont au cœur de la course aux armements. La Chine, les États-Unis et la Russie font la course en tête dans le champ de l’intelligence artificielle militaire. Ils sont suivis par, l’Australie, la Corée du Sud, la France, l’Inde, Israël, le Japon, le Royaume-Uni (et sans doute par d’autre pays plus discrets) qui étudient l’application militaire des robots.
Le danger est patent : ces combattants métalliques peuvent choisir leurs cibles et les détruire.
Donner le droit d’ôter la vie à des machines autonomes pose des questions morales et éthiques évidentes. De plus, Human Rights Watch a relevé que ces armes entièrement autonomes commettent des actes constituant des crimes de guerre en toute impunité au regard du droit de la guerre ! Sur le plan pratique n’oublions pas que ces engins, sont piratables, hackables, ce qui fait courir le risque qu’un un robot-tueur se retourne contre ceux de son camp lors d’un combat ou pire encore le risque d’un détournement de telles armes par des cyber-terroristes qui en prendraient le contrôle.
En avril 2018 Le groupe d’experts de l’ONU sur les systèmes d’armes mortelles autonomes (GGE-LAWS) a tenté de réunir le maximum d’États pour discuter de l’interdiction de ces technologies meurtrières. Quelques mois plus tard le Parlement européen a adopté une résolution visant à interdire les Systèmes d’armes létales autonomes , SALA, (les«robots-tueurs»). Dans cette résolution, le Parlement européen demande à la Commission, aux États membres et au Conseil «d’œuvrer au lancement de négociations internationales pour un instrument juridiquement contraignant qui interdise les systèmes d’armes létales autonomes».
Certes, les travaux de l’ONU sont inopérants face à la position intransigeante de la Russie qui refuse par avance “toute interdiction, moratoire ou régulation sur les armes autonomes” et une résolution du Parlement européen est (encore?) bien peu de chose. Cela dit, les questions posées sont les bonnes et les inquiétudes, légitimes, sont formulées explicitement.
3. Les robots et l’homme : je t’aime – moi non plus ?
Les robots (et les bots) ont atteint un niveau très élevé en terme d’échange d’information et la machine a la capacité de s’adapter très finement à son interlocuteur y compris à ses émotions.
Les applications intelligentes et les capteurs de nos smartphones nous mettent au service (involontaire ?) d’outils ou de jeux auxquels nous pouvons devenir dépendants pour ne pas dire « accro » . Nous leur donnons libre accès (ou presque) à nos données personnelles et nous les aidons gratuitement dans leur processus d’amélioration continue (traducteurs) ou dans leurs opérations (guidage routier). La prévisibilité de ces robots virtuels est une vraie question depuis les dérapages de Tay, le chatbot de Microsooft, devenu raciste et sexiste après quelques heures de conversation avec les internautes sur Twitter.
Sous une apparence anthropomorphe voire humanoïde, le robot peut s’adapter à son interlocuteur en fonction des émotions perçues. Ainsi le petit robot phoque PARO, distribué dans les maisons de retraite, est équipée de moteurs, qui lui permettent de bouger la tête, cligner des yeux, remuer la queue et les nageoires ainsi que de trois micros qui renvoient des informations à un logiciel d’intelligence artificielle. Cette intelligence accorde alors les mouvements et l’intonation du PARO, offrant à chaque personne une stimulation cognitive personnalisée.
En captant et en interprétant des informations émotionnelles les robots sociaux peuvent adapter en fonction de l’utilisateur et/ou de l’historique des interactions. Outre la perception des humeurs, le robot social aura un lien de confiance avec l’homme. L’anthropomorphisme et “l’empathie artificielle” peuvent amener l’homme à “s’attacher à son robot” pour en attendre autant ou plus que d’une personne alors que la loyauté de la machine peut être mise en défaut, ce qui n’est le moindre des risques.
Doté d’une Intelligence artificielle et de capacités d’apprentissage autonomes les robots posent à la société des problèmes majeurs inédits auxquels des roboticiens, des informaticiens, des designers, des sociologues et des philosophes réfléchissent déjà, heureusement. La réflexion porte sur les risques que les robots peuvent faire courir aux êtres humains et sur les dangers auxquels les humains s’exposent eux-mêmes à cause d’une perception appréciation erronée de ce que sont les robots qui trouve ses racines dans l’imaginaire de chacun. Il est donc indispensable d’agir autant sur la réglementation et la technologie que sur l’éducation.
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3 thoughts on “Hommes et robots intelligents : quel avenir ?”