De tout temps l’homme a été fasciné par le ciel et les astres qui le peuplent et s’interroge sur sa place dans l’Univers. Depuis quelques dizaines d’années l’exploration méthodique du cosmos a rapporté une masse impressionnante de connaissances et d’innombrables innovations dont beaucoup ont des applications sur la Terre.
Alors que nous apprêtons à célébrer le cinquantième anniversaire de la visite d’une autre planète par un être humain, la Lune, voyageons dans le temps pour apprécier le chemin parcouru et imaginer le futur.
De l’Imaginaire à la réalité
Bien qu’il soit difficile de dater l’apparition de croyances des hommes relatives à la voûte céleste, les premières divinités à faire l’objet de cultes sont apparues à l’époque paléolithique, vers 20 000 avant J-C. La plus ancienne est probablement la Déesse-mère, apparue sous la forme de statues. Les premiers monuments dressés vers le ciel par l’homme préhistorique sont des menhirs, vers 8 500 av. J.-C., ce sont probablement des lieux de culte dédiés au Soleil ou à la Lune. A des degrés divers Égyptiens, Hébreux, Chinois, Hindous, Grecs et Mayas font référence aux Soleil et à la Lune dans leurs pratiques religieuses.
Au jour le jour, l’observation du ciel permet le repérage spatial ou temporel et l’organisation des activités humaines. Ainsi les premiers agriculteurs égyptiens ont noté que quelques jours avant la crue du Nil, l’étoile Sirius se levait en même temps que le Soleil (“lever héliaque”). Les civilisations de l’antiquité méditerranéenne ont cherché à guider leurs activités d’après les mouvements des astres, en particulier la Lune, et des variations annuelles de la lumière du jour pour choisir les périodes les plus propices pour la culture et l’élevage, la navigation, la vie en général.
L’astronomie, la plus ancienne des sciences, a d’abord consisté à observer et prédire le mouvement des objets célestes visibles à l’œil nu il y a 5000 ans. Elle se développera grâce aux progrès des mathématiques depuis l’antiquité grecque et avec l’invention d’instruments d’observation à la Renaissance. Pendant des millénaires, l’astronomie associée à l’astrologie, la distinction entre la science et l’art divinatoire n’interviendra qu’au siècle des Lumières.
De mémoire d’homme les premières descriptions du voyage spatial, attribuées au grec Lucien de Samosate datent du IIème siècle) : “Histoire véritable”, où le personnage voyage sur la Lune. D’autres récits imaginaires suivront tels les écrits de l’Arioste, Cyrano de Bergerac, Fontenelle, Voltaire, Restif de La Bretonne …
À partir du XIXème siècle, la technique accompagne l’imagination : l’astronomie dans « de la Terre à la Lune » de Jules Verne (1865), la station orbitale dans « la lune de brique » d’Edward Everett Hale (1869), la voile solaire dans « Le soleil et les petites planètes » de Georges Le Faure et Henry de Graffigny (1889), la propulsion ionique proposée en 1920 par Franz Abdon Ulinski…
Le premier pas sur la Lune doit nous rappeler aussi les autres exploits qui l’ont rendu possible et les innombrables innovations issues de cette épopée qui font maintenant partie de notre quotidien
Prosaïquement l’histoire a commencé par l’invention d’engins permettant à l’homme de s’élever dans le ciel. Cela se fera pour le première fois grâce au ballon des frères Montgolfier le 19 octobre 1783.
Au début du XXème siècle débute le développement dans un but pacifique de fusées pour voyages interplanétaires, la technique progresse avec la réalisation du premier moteur à propergols liquides et de la première fusée à étages notamment. Ce sont finalement les militaires qui contribueront le plus au développement des fusées grâce au financement d’applications telles que les roquettes, les systèmes d’assistance au décollage des avions, les avions-fusées et les missiles à longue portée. Le V2 (Vergeltungswaffe 2 : « arme de représailles »), développée par l’Allemagne nazie, est la première grosse fusée (13 tonnes) qui pouvait emporter une charge (explosive) de 800 kg à une distance de 300 kilomètres.
La conquête de l’espace
Elle a rapidement pris son essor après la fin de la deuxième guerre mondiale. Elle a été marquée à ses débuts par la « Course à l’Espace » entre les États-Unis et l’URSS dans le contexte tendu de la guerre froide. De cette période on retiendra trois événements majeurs : le premier vol spatial orbital de l’Histoire le 4 octobre 1957 par le satellite soviétique Spoutnik 1, le premier vol habité par un être humain le 12 avril 1961 avec le vol orbital du Soviétique Youri Gagarine et enfin le premier pas sur la Lune le 20 juillet 1969 par l’astronaute Neil Armstrong.
Après ces missions célèbres, d’autres programmes ont été organisés avec pour objectif l’étude des planètes du système solaire et du soleil, l’observation d’étoiles plus lointaines, ainsi que l’envoi d’hommes dans l’espace pour de longues durées :
- de nombreuses sondes ont été envoyées comme Galileo à destination de Jupiter (1989), Cassini vers Saturne (1989), Voyager2 autour de Neptune (1989), Huygens vers Saturne (1997), Mars Express (2003), Venus Express (2005) ou New Horizons qui est passée à proximité de Pluton en 2015
- La navette spatiale américaine, inaugurée en 1981, a été le premier engin de capable d’emmener de gros satellites en orbite basse et, au besoin, de les rapporter sur la Terre.
- Le programme Mir, station permettant de loger jusqu’à six hommes d’équipage pendant plusieurs mois dans l’espace, fut lancée en 1986, puis détruite en 2001. Après l’effondrement de l’URSS et grâce à des collaborations internationales cette station a accueilli des astronautes nord-américains, européens, japonais et d’autres pays comme l’Inde ou la Slovaquie.
- Le télescope spatial Hubble, un télescope en orbite à environ 600 km d’altitude, a été lancé en 1990 par une navette spatiale de la NASA. Les données qui y ont été collectées ont contribué à des découvertes importantes dans le domaine de l’astrophysique, comme la mesure du taux d’expansion de l’Univers.
- La Station spatiale internationale (International Space Station, ISS) construite et assemblée à partir de 1998, en collaboration entre plusieurs pays : Etats-Unis, Russie, Union Européenne, Japon, Canada, est en orbite autour de la Terre à une altitude d’environ 386 km. Son équipage international se consacre à la recherche scientifique dans l’environnement spatial.
- Depuis les premières expéditions dans l’espace, cette forme d’aventure extrême séduit les plus fortunés. A partir de 2001 certains ont pu réaliser ce rêve qui coûte de 250 000 dollars à 20 millions de dollars selon qu’il s’agit d’un vol suborbital de quelques minutes ou un séjour orbital en station qui nécessite un très long entraînement.
L’espace à tout faire, l’espace pour tous ?
Depuis le temps des pionniers le « club » des pays lanceurs de satellites s’est agrandi et compte maintenant treize pays: Union Soviétique (Russie), Etats-Unis, France, Japon, Chine, Royaume Uni, Europe, Inde, Israël, Iran, Corée du Nord, Corée du Sud, Nouvelle Zélande.
Le nombre de pays investissant dans l’espace est en croissance continue, avec près de 80 acteurs. Les opérateurs de satellites sont au nombre de 20 et au printemps 2019 l’Union Africaine a lancé la création d’une agence pour coordonner la stratégie spatiale du continent.
On rappellera ici que les grandes puissances mondiales (EU, France, Russie, Chine, Inde …) disposent d’une armada de satellites militaires dédiés à la reconnaissance et à la surveillance, à l’écoute électronique et à l’alerte.
D’après l’UCS (Union of Concerned Scientists), 2.063 satellites opérationnels étaient en orbite autour de la Terre le 1er avril 2019. La rythme des lancements s’est accéléré au cours des dernières années, 378 satellites lancés en 2017 et 375 satellites en 2018. La majeure partie de ces satellites en orbite terrestre, est dédiée à l’observation de la Terre (étude du climat, des précipitations, surveillance…) et aux services de communication avec respectivement 788 et 773 unités soit plus des trois quarts du total. Viennent ensuite les satellites à but scientifique et/ou technologique dans la communication ou la défense (263) et ceux utilisés pour la navigation globale ou régionale (138). On trouve aussi des projets insolites, comme des œuvres d’art ou des start’ups proposant d’envoyer vos cendres dans le ciel à votre mort.
Revers de la médaille, l’espace autour de la Terre est devenue une décharge dans laquelle circulent 700 000 débris dont certains se déplacent à 28 000 km/h.
Les technologies de l’espace ont changé notre vie
Les recherches académiques menées dans l’espace sont nombreuses parmi lesquelles on peut citer :
- dans les sciences de la vie : l’étude des mécanismes de reproduction, de croissance et d’adaptation en microgravité, la mesure de l’influence du rayonnement sur les tissus vivants, la purification ou la production de macromolécules (protéine, ADN) à des fins médicales;
- en chimie des matériaux : la solidification dirigée de métaux ou d’alliages, l’élaboration de semi-conducteurs, la production de verres et céramiques homogènes, la fabrications de films minces très purs…
Depuis leur orbite, les satellites observent la Terre. Ils peuvent caractériser l’état des océans (hauteur, température, couleur…), mesurer l’épaisseur de la banquise et des calottes des pôles Nord et Sud détecter et suivre les pollutions, contrôler la déforestation… Ils peuvent aussi localiser des ressources naturelles (eau, pétrole…).
L’agriculture bénéficie des performances des différentes caméras élaborées pour explorer la composition des corps céleste lointains qui servent aussi à déterminer les besoins des plantes (eau, fertilisants, …). Ces observations sont suffisamment fines pour que les agriculteurs sache quelle zone d’une parcelle a besoin d’attention et d’intervention.
L’observation et les mesures satellitaires des déplacements des masses d’air sont indispensables pour faire prévisions météorologiques fiables. Les satellites météo permettent de prédire la météo avec suffisamment de précision pour permettre d’organiser de nombreuses activités et plus particulièrement les mesures préventives ou les secours lors des ouragans, de signaler les situations favorisant les départs d’incendie voire les conditions propices au développement d’insectes nuisibles.
le GPS (Global Positioning System) qui nous permet tant de nous orienter, fonctionne grâce aux satellites placés en orbite. Par le calcul de la distance qui sépare un récepteur GPS de plusieurs satellites et avec ces données il détermine ses coordonnées en tout point de la surface de la Terre.
Initialement développés pour pour les communications téléphoniques longue distance quand seuls les câbles sous-marins le permettaient, les satellites de télécommunications permettent aussi la diffusion de chaînes de télévision et la transmission des données numériques.
Sans l’exploration spatiale nous n’aurions pas un smartphone dans notre poche ou un ordinateurs dans notre sac. Des langages de programmation informatique ont été inventés pour être traduits avec des cartes perforées utilisées avec les premiers ordinateurs. Les astronautes ont fabriqué dans les navettes spatiale ou dans la Station spatiale internationales des composants électroniques qui ne pouvaient être produits que dans l’espace. De plus, la nécessité de réduire le poids embarqué à bord des fusées a fortement encouragé la miniaturisation des composants, et contribué à l’invention des microprocesseurs et des ordinateurs modernes.
– Les capteurs photographiques CCD utilisés dans la plupart des appareils photos, webcams et téléphones portables qui convertissent le rayonnement en valeur numérique, étaient à l’origine développé pour l’astronomie.
– Les systèmes d’information et de données d’observation de la Terre de la NASA enregistrent et archivent quotidiennement un grand nombre de données dont le cumul se mesure en Pétaoctets (millions de Gigaoctets). Pour faciliter le traitement de données aussi volumineuses, la NASA a développé un logiciel capable de gérer un grand nombre d’informations. Les fournisseurs d’accès informatiques, des hôpitaux, des entreprises, utilisent la même technologie pour conserver et traiter leurs informations.
Grâce aux matériaux composites et aux alliages spéciaux développés pour et par les missions spatiales, il a été possible de créer de nouveaux matériaux à la fois plus légers et plus résistants utilisés pour la fabrication des avions, des prothèses médicales…
les panneaux solaires que nous connaissons sont apparus pour fournir une source d’électricité durable aux satellites envoyés dans l’espace.
Les airbags, coussins instantanément gonflés suite à un choc furent conçus afin d’amortir la chute des sondes spatiales à leur atterrissage.
Les pneus des voitures utilisent la fibre souple et résistante inventée pour le parachute de Viking sur Mars qui en allonge la durée de vie.
Le détecteur de fumée a été développé pour le compte de la NASA pour éviter un départ de feu dans l’espace. La première installation équipée de cet appareil capable de repérer des émissions de fumée fût Skylab.
Un ingénieux matériau, le mylar, utilisé pour concevoir les couvertures de survie, a été créé par la NASA pour l’isolation des satellites, navettes, ou combinaisons spatiales, afin de les protéger de la lumière du soleil et d’éviter la surchauffe des instrument et des hommes.
Les outils sans fil ont été mis au point par la société Black & Decker suite à une demande de la NASA qui lui a commandé une perceuse électrique suffisamment puissante et peu gourmande en énergie pour percer le sol lunaire.
En médecine les transferts de technologie sont très nombreux et l’on peut citer
- le traitement du diabète : les pompes à insuline actuelles s’inspirent d’une mécanique présente dans le laboratoire biologique du vaisseau spatial Viking qui a exploré la surface de Mars;
- la minuscule pompe d’assistance ventriculaire, utilisée dans les cœurs artificiels, est dérivée des pompes à carburant de la navette spatiale américaine;
- les appareils de dialyse qui filtrent et éliminent les éléments toxiques du sang en cas d’insuffisance rénale sont issus du système de recyclage des fluides (urine, notamment) mis en place lors des missions Apollo;
- l’IRM médicale qui a été développée (améliorée) par la NASA pour finement photographier la surface lunaire afin de préparer les alunissages. Le procédé ainsi perfectionné permet l’exploration du corps humain en 2D et en 3D.
On pourrait dresser un véritable catalogue à la Prévert de toutes ces applications qui sont à des années-lumière du concept de gadget. Aux détracteurs d’une exploration spatiale aux coûts somptuaires on peut répondre que ces innovations ont une réelle utilité autant individuelle que collective et que le retour sur investissement est significatif.
Et après …
Après l’époque des pionniers qui ont démontré la capacité technique de l’exploration spatiale vient le temps économique. Deux nouveaux acteurs : SpaceX et Blue Origin, qui ont attribué à l’espace une valeur marchande avec une ubérisation des coups de lancement et des satellites ce qui peut relancer une nouvelle forme de conquête.
De nombreux start’upers rêvent déjà d’usines de l’espace où l’on ferait de l’impression 3D en apesanteur, où seraient produits des « super » fibres optiques et même pour fabriquer des organes à partir de cellules souches. Tous ces projets nécessitent avant tout une analyse de la valeur pour que leur éventuelle réalisation soit basée sur un modèle économique rentable.
Dans un autre registre des travaux sont menés pour augmenter les ressources des astronautes de futures expéditions lointaines avec des approvisionnements sur la lune en eau en énergie. Ainsi l’hélium-3 (3He) présent sur la lune pourrait servir à produire le carburant des vaisseaux spatiaux interplanétaires. L’alimentation des futurs équipage fait aussi l’objet de recherches (programme MELiSSA) : il y a des essais de germination de plants de tomate en cours dans une chambre ad’hoc du satellite Eu:CROPIS et la culture des haricots verts, prévue dans l’ISS d’ici à 2021.
En imaginant que, dans les décennies futures, les programmes d’exploration vers Mars et Vénus soient réalisés avec des collectes d’échantillons et en supposant l’exploitation de minerais des astéroïdes ou d’Hélium3 lunaire, l’homme sera certainement tenté d’élargir le terrain de jeu spatial au système solaire tout entier voire au-delà. Cela dit ce ne sera possible qu’avec de nouveau moyens de propulsion car avec la technologie actuelle il faudrait 80 000 ans pour aller jusqu’à Proxima du Centaure qui est l’étoile la plus proche de nous à 4,2 millions d’années-lumière.