Cancer : la lutte sera encore longue 

© Dean Calma – Flikr

Alors que les annonces de progrès dans leur diagnostic et leur traitement se succèdent périodiquement, le dernier recensement mondial des cas de cancer par l’OMS montre qu’il n’ont cessé de progresser depuis des décennies et qu’il progresseront encore d’ici à 2050. Les indéniables avancées de la médecine en général et de l’oncologie en particulier limitent l’explosion du nombre de malades et la mortalité par le cancer, toutefois elles ne bénéficieront pas uniformément à toutes régions du monde et, où que ce soit, elles dispensent pas de mesures préventives et de réduction des facteurs de risques pour véritablement endiguer ce fléau sanitaire.

Le cancer et l’Homme

Le terme médical « cancer » qualifie un large groupe de maladies

Ces pathologies touchent n’importe quel partie du corps humain. Elles débutent par le dysfonctionnement d’une cellule dans un organe (poumon, cerveau, peau, foie…) où elle prolifère de façon anarchique pour former une tumeur et diffuse ensuite vers d’autres organes pour former des métastases.

*Plus généralement le cancer touche l’ensemble du règne animal multicellulaire depuis son apparition sur Terre il y a 500 millions d’années.

Au niveau cellulaire

Le passage de l’état normal à l’état cancéreux résulte de mutations spontanée ou est causée des facteurs extérieurs que sont

  • les cancérogènes physiques : rayons ultraviolets et les radiations ionisantes ;
  • les cancérogènes chimiques : fumée de tabac, alcool, amiante, aflatoxine (aliments) arsenic (eau) ;
  • les cancérogènes biologiques suite à infections virales, bactériennes ou parasitaires.

Un peu d’Histoire

Longtemps considéré comme un mal mystérieux qui tue sans cause identifiable, il faudra attendre les observations de Xavier Bichat au 18ème siècle pour en avoir une description anatomique et les travaux de Rudolf Virchow pour proposer la notion de maladie cellulaire en 1858.

La chirurgie a été le seul traitement des cancers jusqu’à la fin du 19ème siècle. La radiothérapie a été utilisée pour la première fois en 1896, la chimiothérapie en 1949. Si l’efficacité de ces voies thérapeutiques utilisées seules ou en association est réelle, elle est insuffisante et imprécise car elles agissent sur les effets de la maladie et non sa cause.

Le développement des recherches sur le cancer depuis huit décennies a permis de proposer des traitement plus spécifiques comme l’hormonothérapie dans le cancer de la prostate , la transplantation de moelle osseuse traitée in vitro (leucémies), l’immunothérapie (lymphome), la vaccination (virus du papillome humain, principale cause du cancer du col de l’utérus), la thérapie cellulaire (cellules CAR-T génétiquement modifiées) pour le traitement de leucémies chez l’enfant et les jeunes adultes, les thérapies ciblées (cancer du sein, cancer de la vessie…). Les progrès récents en génétique moléculaire et de la biologie cellulaire ouvrent la voie vers de nouveaux traitements « sur mesure » dont la pertinence dépendra inévitablement de leur coût.

Le cancer dans le monde aujourd’hui

En 2022, 20 millions de nouveaux cas de cancer ont été diagnostiqués et cette maladie a causé 9,7 millions de décès. Par rapport aux données de l’année 2000 c’est une progression de 100 % du nombre de cas diagnostiqués et de 56 % de la mortalité alors que, pendant cette période, la croissance de la population mondiale a augmenté de 29% pendant tandis que l’espérance de vie a gagné 5 à 10 ans selon les pays

Le cancer est la 2ième cause de mortalité derrière derrière les maladies cardiovasculaires. Actuellement, près d’une personne sur cinq développe cette maladie au cours de sa vie – un homme sur neuf et une femme sur douze en meurent. Toutefois, on estime à 53,5 millions le nombre de personnes qui sont toujours en vie dans les cinq ans suivant le diagnostic de cancer.

Typologie

D’après informations collectées dans 185 pays par l’Observatoire Mondial du Cancer , 5 types de cancer sont retrouvés dans près de la moitié des nouveaux cas et des décès dus à cette maladie dans le monde en 2022 :

Le cancer du poumon est le plus fréquent avec 2,5 millions de nouveaux cas (12,4 % du total de nouveaux cas), le cancer du sein chez la femme est en deuxième position avec 2,3 millions de cas, (11,6 %), suivi du cancer colorectal (1,9 million de cas, 9,6 %), du cancer de la prostate (1,5 million de cas, 7,3 %) et du cancer de l’estomac (970 000 cas, 4,9 %).

– En termes de mortalité, le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer avec 1,8 million de morts (soit 18,7 % du total des décès par cancer), le cancer colorectal occupe la deuxième place avec 900 000 décès (9,3 %) suivi du cancer du foie (760 000 décès, 7,8 %), du cancer du sein (670 000 décès, 6,9 %) et du cancer de l’estomac (660 000 décès, 6,8 %).

La typologie de l’incidence et la mortalité diffèrent selon le sexe des personnes souffrant du cancer. Lorsque l’on prend les données au niveau mondial ainsi que dans 157 pays sur 185 il apparaît que, chez la femme, le cancer du sein est le cancer le plus souvent diagnostiqué et la principale cause de décès ; chez l’homme, c’est le cancer du poumon suivi du cancer de la prostate et du cancer colorectal sont les deuxième et troisième types de cancer en fréquence, tandis que le cancer du foie et le cancer colorectal sont les deuxième et troisième principales causes de décès. Chez la femme, le cancer du poumon et le cancer colorectal figurent en deuxième et troisième position en termes de nouveaux cas et de décès.

Parmi les nombreuses informations collectées par l’’enquête de l’observatoire mondial du cancer on notera deux observations importantes :

-le cancer du col de l’utérus est le plus fréquent chez la femme dans 25 pays, notamment en ’Afrique subsaharienne alors qu’en moyenne mondialec’est le huitième cancer le plus fréquent et et la neuvième cause de décès par cancer (661 044 nouveaux cas et 348 186 décès).

le nombre de cas de cancer du poumon a progressé de plus de 10 % depuis 2020 et est revenu en tête du le en 2022 alors que l’incidence du cancer du sein est inchangée pendant la même période. Cette progression du cancer du poumon est en grande partie liée la persistance (syn) du tabagisme en Asie (50% des fumeurs de la planète) où de nombreux pays ont tardé à mettre en place des mesures anti-tabac.

Ces observations illustrent les effets des disparités socio-économiques selon les régions du monde que l’on développera plus loin.

Lutte contre le cancer

Prévention et détection précoce sont les maîtres-mots

Réduction des facteurs de risque

Le tabagisme, la consommation d’alcool, une alimentation déséquilibrées, l’activité physique insuffisante et la pollution de l’air sont les principaux facteurs de risque de cancer (et d’autres maladies non transmissibles: maladies cardio-vasculaires, diabète, obésité…).

Par ailleurs plusieurs infections chroniques constituent elles aussi des facteurs de risque de cancer, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Ainsi plus de 10 % des cancers diagnostiqués dans le monde en 2018 étaient dues à des infections cancérogènes, notamment celles dues à Helicobacter pylori (ulcère de l’estomac), au papillomavirus humain (PVH), au virus de l’hépatite B, au virus de l’hépatite C et au virus d’Epstein Barr.

L’OMS estime que 30 à 50 % des cancers peuvent être prévenus en évitant ces facteurs de risque en protégeant les populations par des stratégies préventives.

Détection précoce

La détection précoce et donc le traitement rapide de la maladie permettent de réduire la mortalité liée au cancer. Elle repose sur deux actions complémentaires : le diagnostic précoce et le dépistage.

Diagnostic précoce

On comprend facilement que si un cancer est diagnostiqué rapidement le traitement sera d’autant plus efficace avec plus de chances de survie, moins de morbidité et des coûts plus faibles, sans oublier que cela peut sensiblement améliorer la vie des patients.

Le diagnostic précoce comporte trois principes :

-la sensibilisation aux symptômes des différentes formes de cancer et à l’importance de consulter un médecin si des anomalies sont observées ;

-l’accès à des services d’évaluation clinique et de diagnostic ;

-l’orientation thérapeutique dès que le diagnostic est posé.

En France campagne d’information régulière notamment pour le diagnostic précoce du cancer du sein et du cancer colo-rectal

Dépistage

Le dépistage consiste à identifier les patients dont les résultats d’analyses anormaux montrent qu’ils sont atteints d’un cancer ou d’un pré-cancer en particulier avant qu’elles ne développent des symptômes.

Pour réduire le nombre faux positifs, la sélection de personnes pouvant bénéficier d’un dépistage se fonde sur l’âge et les facteurs de risque. Parmi les méthodes de dépistage employées on citera

-les tests de dépistage du PVH (notamment par détection de l’ADN ou de l’ARNm du PVH) pour le dépistage du cancer du col de l’utérus

-la mammographie pour le dépistage du cancer du sein chez les femmes âgées de 50 à 69 ans.

Traitement

Il va de soi que la pertinence et l’efficacité du traitement du cancer dépendent étroitement de la précocité et de la précision du diagnostic. Ce traitement repose le plus souvent sur la chirurgie, la radiothérapie et/ou un traitement systémique (chimiothérapie, traitements hormonaux, thérapies biologiques ciblées).

Le principal objectif est bien évidemment de guérir le malade ou de prolonger significativement son espérance de vie. Un autre objectif consiste à d’améliorer la qualité de vie du patient, en lui prodiguant des soins contribuant à son bien-être physique, psychosocial et spirituel, ainsi qu’en offrant des soins palliatifs en phase terminale.

S’ils sont décelés rapidement et correctement traités selon les meilleures pratiques, certains des types de cancer les plus répandus, comme le cancer du sein, le cancer du col de l’utérus, et le cancer colorectal, ont une probabilité de guérison élevée.Il en est de même pour des type de cancer moins fréquents comme le séminome testiculaire ou différents types de leucémies et de lymphomes chez l’enfant.

Concrètement, l’OMS estime à 53,5 millions le nombre de personnes qui sont toujours en vie dans les cinq ans suivant le diagnostic de cancer en 2022 (NB : en moyenne, de 1990 à 2019 le taux de survie à 5 ans est passé de 55 % à 80 % dans les pays développés). On notera aussi que la rémission est très variable selon le type de cancer : 10 % pour le cancer du pancréas, plus de 90% pour le cancer de la prostate (Données US, 2024)

Au total, d’après l’OMS, 40 % des cancers sont potentiellement évitables, 40% peuvent être traités et 20% traités à des fins palliatives. .

Le cancer est un marqueur des inégalités

Comme dans de nombreuses autres maladies, la prise en charge du cancer révèle les inégalités de notre monde notamment entre les pays à revenu élevé et les pays à faible revenu.

Alors que 90 % des pays à revenu élevé peuvent proposer toutes les options thérapeutiques, 15% des pays à faible revenu en ont les moyens, ce qui impacte le taux de survie chez les malades, ainsi :

-la rémission des enfants chez qui un cancer a été diagnostiqué est de plus de 80% dans les pays à revenu élevé et de moins de 30% dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.

-la survie à cinq ans au cancer du sein cinq ans dépasse désormais 80% dans la plupart des pays à revenu élevé, contre 66% en Inde et seulement 40% en Afrique du Sud.

La dernière enquête mondiale de l’OMS sur les prestations de santé fait état de fortes inégalités mondiales dans prise en charge du cancer que ce soit dans l’offre de soins ou dans le financement comme l’illustrent les données suivantes : 

la radiothérapie est quatre fois plus susceptible d’être proposée les pays à revenu élevé ; pour la transplantation de cellules souches c’est douze fois plus.

Le traitement du cancer bénéficie d’une prise en charge financière publique dans 37% des pays à revenu faible ou intermédiaire, versus 78% des pays à revenu élevé. Ce qui signifie que le cancer peut faire basculer le malade et les familles dans la pauvreté, surtout dans les pays à faible revenu.

Perspectives pour 2050

D’après un communiqué de l’OMS de février 2024, plus de 35 millions de nouveaux cas de cancer devraient être dénombrés en 2050, soit une augmentation de 77 % par rapport aux 20 millions de cas estimés en 2022. Cette progression rapide est due à l’accroissement de la population et à l’allongement de la durée de vie, d’une part, et à la persistance de l’exposition aux facteurs de risques (associés dans certains cas à la situation socio-économique), d’autre part : on ne rappellera jamais assez que Le tabac, l’alcool et l’obésité sont les principaux facteurs expliquant l’augmentation de l’incidence du cancer, et la pollution de l’air reste l’un des grands facteurs de risque environnementaux.

Malgré les progrès dans la diagnostic précoce des cancers et de leurs traitements, des disparités significatives continueront d’être observées entre les régions à revenu élevé et à revenu faible. En valeur absolue les pays à dont l’Indice de Développement Humain (IDH) est élevé devraient connaître la plus forte progression de l’incidence (4,8 millions de nouveaux cas supplémentaires prévus en 2050 par rapport aux estimations de 2022). En valeur relative c’est dans les pays à IDH faible (142 % de hausse) et à IDH intermédiaire (99 %) que la progression sera la plus forte et la mortalité due au cancer devrait doubler dans ces pays en 2050.

Pour conclure : en dépit des remarquables progrès de son diagnostic précoce et de ses traitements le cancer continue de progresser et l’on observe de fortes disparité dans l’offre de soins entre les pays à revenu élevé et les pays à faible revenu. Certes, si la santé n’a pas de prix, elle a un coût qui ne peut être financièrement supporté de la même façon au Burundi et en France. Quoi qu’il en soit la prévention reste une arme très efficace et relativement peu onéreuse. Dit autrement la lutte contre de cancer n’est pas seulement une question de ressources économiques, elle relève aussi de la volonté politique.

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4 thoughts on “Cancer : la lutte sera encore longue ”

  1. Merci Xavier pour votre article sur le cancer.
    1° « … l’état cancéreux résulte de mutations spontanée » c’est à dire le hasard, ou la malchance ; les autres facteurs sont « extérieurs » ou génétique (hérédité). Même si le hasard est difficile à accepter pour l’esprit humain, il est vraisemblablement majoritaire.
    Le cancer peut-il être considéré comme une adaptation (évolution probabiliste) qui a échouée ?
    https://www.beaubiophilo.com/2018/08/cancer-hasard-et-evolution.html

  2. Merci à vous pour cet article de vulgarisation qui met bien l’accent sur les différents aspects qui régissent cette problématique liée aux différentes formes de cancer et esquisse, de façon implicite, les contours de politiques publiques à mener

  3. Merci pour cet article. Les dimensions psychologique et spirituelles sont hélas trop peu prises en compte, le mental étant un aspect déterminant dans le processus de soin. Je le vis actuellement avec une personne atteinte d’un cancer généralisé. Mais il n’est pas suffisant pour guérir ou prolonger la vie bien entendu, le dernier combat de Christiane Singer en est une illustration (voir « Derniers fragments d’un long voyage ».

    1. Cela fait plusieurs décennies que le soutien psychologique est un prérequis lors de l’annonce du diagnostic puis lors du traitement du cancer. Si son utilité est évidement incontestable, c’est une part nécessaire mais non suffisante du traitement.
      Quoi qu’il en soit cela ne règle pas le problème d’une prévention dramatiquement lacunaire.

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