Océans en danger

© Jean-Pierre Tonnelier

Océans : Immensité protectrice et source de vie

Les océans couvrent 71 % de la surface du globe et contiennent 97 % de l’eau de la planète, soient 1400 millions de milliards m³, dont les fabuleuses propriétés physico-chimiques permettent à cette gigantesque masse liquide

  • d’emmagasiner ou de restituer d’énormes quantités de chaleur par la variation de sa température : la consommation annuelle d’énergie pour le chauffage d’une habitation d’une surface 80 m² (soit un volume de 200 m3° en période hivernale élèverait la température de son volume en eau de 0,02°C
  • d’absorber le 2à 3kg de C02 par m³ selon la température, soit le CO2 produit par un trajet de 20 à 25 km avec une petite voiture)
  • de dissoudre l’oxygène : 9 à 14 mg/l selon la température, concentration suffisante pour le maintien de la vie aquatique

Les océans représentent 99% des espaces de vie disponibles sur terre en volume. Du microbe à la baleine bleue, les océans hébergent une extraordinaire diversité “d’habitants” (près de 200 000 espèces identifiées à ce jour) et l’on estime qu’elle pourrait se compter en millions dont une partie (plancton, autre) a une activité métabolique essentielle : la photosynthèse, qui utilise le CO2, qui représente 10 % de l’absorption totale par les océans, et produit de l’oxygène : actuellement 45 % de la production annuelle de la totalité de l’oxygène par la biomasse vient des océans soit 10 000 milliards de tonnes (la quasi totalité de l’oxygène respirable de la Terre, près de 21 % de l’atmosphère terrestre soient 1 000 000 de milliards de tonnes, provient des océans par accumulation depuis 3,7 milliards d’années).

L’association WWF a estimé la valeur des océans à 24.000 milliards de dollars US. Le potentiel de a flore et de la faune marine : herbiers, coraux, mangroves et poissons représentent en effet un tiers de cette richesse. Le transport maritime y contribue pour 22 %, derrière les activités touristiques valorisées à 7.800 milliards de dollars US, soit plus de 32 % des ressources maritimes globales.

La dernière évaluation par l’ONU des activités d’extraction et de production directement liées à la mer par l’ONU s’élève à 3000 milliards de dollars US par an en 2020, soit environ 5% du PIB mondial auquel contribuent 200 millions d’individus qui travaillent dans les activités directement ou indirectement dans ces secteurs.

Hausse des températures, Acidification : les Océans régulateurs et victimes

Les océans couvrent plus des deux tiers de la surface du globe. Cela représente immense interface avec l’atmosphère terrestre où se font en permanence les échanges thermiques et la diffusion de gaz.

Les Océans, stocks de chaleur

Grâce à la capacité calorique de l’eau, 1200 fois supérieure à celle de l’atmosphère, les océans emmagasinent actuellement 90 % de la chaleur résultant de l’accumulation des gaz à effet de serre. En 2020 les températures mondiales de la surface des océans étaient supérieures de 0,78°C à celles de 1880 d’après les relevés de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique. Une analyse du Grantham Institute a démontré en 2015 que de 1955 à 2010 si la quantité de chaleur absorbée par les océans sur une profondeur de 2 km était restée dans les 10 km de la couche inférieure de l’atmosphère alors la température sur Terre se serait élevée de 36 °C.

Le réchauffement des océans cause la migration des nombreuses espèces notamment les poissons qui fuient les eaux trop chaudes pour rechercher des zones où la température leur convient mieux en profondeur ou en direction des pôles. Par ailleurs le réchauffement des océans abaisse la solubilité de l’oxygène ce qui affecte la croissance et la reproduction de la faune.

Cela se traduit par un déclin du nombre d’espèces en zone tropicale et la diminution de la biomasse dans cette région où l’on trouve le plus de pays pauvres.

Dans les zones côtières l’eutrophisation qui résulte de la baisse de la teneur en oxygène couvre des zones de plus en plus vastes et plus nombreuses. La vie s’y raréfie : de nombreuses espèces s’en échappent pour éviter l’asphyxie s’exposant alors aux prédateurs et/ou à la pêche dans d’autres les milieux marins. Les micro-organismes et algues toxiques qui supportent la faible teneur ou l’absence d’oxygène de ces zones s’y développent d’autant plus qu’elles y trouvent de quoi se nourrir avec pollutions humaines (eaux usées, résidus agricoles, …).

Il apparaît clairement que si la hausse de la température des océans se poursuit elle pourrait significativement impacter la pêche et l’aquaculture mondiales.

On notera ici que les océans et cryosphères sont indissociable par rapport aux effets du réchauffement climatique que sont

  • l’élévation du niveau des océans, 4,8 mm par an depuis 2015, est due pour un tiers à la dilatation des océans par effet direct de leur réchauffement et pour deux tiers à la fonte des glaciers et des calottes de l’Antarctique ou du Groenland.
  • le relargage d’eau douce et froide par la fonte des glaces qui perturbe la circulation océanique profonde (encore appelée thermohaline ) générée par la différence de densité des eaux causée par la différence de température et de salinité.

L’acidification des océans résulte des activités humaines.

Depuis la révolution industrielle 25 à 30 % du CO2 d’origine anthropique est absorbé par les océans où il est dissout.

Actuellement, cela représente près de 22 millions de tonnes de CO2 captées par jour dont une partie (10%) est utilisé par la photosynthèse d’êtres vivants (cyanobactéries, phytoplancton, herbiers marins, mangroves) et finira comme sédiment. Le reste du dioxyde de carbone dissout dans les océans produit de l’acide carbonique, (H2C03) par réaction d’une molécule de CO2 avec une molécule d’eau (H20) ce qui provoque leur acidification progressive ; en 250 ans l’acidité des océans a augmenté de 30 % environ. Ainsi, le pH des eaux est passé de 8,25 à 8,14 entre 1751 et 2004 (Jacobson, 2005).

Ce phénomène présente une redoutable menace pour la biodiversité marine car il perturbe les processus de calcification permettant à des organismes comme le plancton calcaire, les mollusques et le corail, et par suite la synthèse leurs squelettes externes ou leurs coquilles, ce qui provoque :

-l’appauvrissement de la ressource alimentaire de nombreuses espèces (zooplancton, poissons, cétacés)

-la réduction de la croissance et de la longévité des récifs coralliens met en péril la biodiversité qu’ils abritent (25 % des espèces océaniques) et affaiblit le rôle essentiel des barrières de corail qui protègent plus de 150 000 kilomètres de littoral.

Le risque ultime est la saturation de ce «réservoir » de carbone causé par la baisse de la solubilité du CO2 des océans due à l’augmentation de leur température qui pourrait être accélérée par la perte d’effet albédo causée par la fonte des glaciers et de la banquise, d’une part, et le relargage de méthane par la fonte du pergélisol qui amplifie l’effet de serre, d’autre part.

Cela provoquerait alors une « explosion » du stockage atmosphérique du CO2 avec emballement du réchauffement de l’atmosphère. On voit là que que les effets de l’accroissement des gaz à effet de serre dans l’atmosphère ne sont pas linéaires et on comprend d’autant plus l’urgence à maîtriser leur production anthropique.

Par la quantité et les propriétés physiques de l’eau qu’ils contiennent les océans ont été un très puissant amortisseur du dérèglement climatique jusqu’à maintenant qui peut ne plus ne suffire prévenir ses effets adverses sur les écosystèmes marins. 

Les pollutions sont de véritables menaces

80 % de la pollution des océans est d’origine terrestre et résulte de l’activité humaine urbaine, industrielle et agricole. Ces pollutions sont majoritairement propagées en surface et constituées de débris de toute sorte, charriés par les rivières puis les fleuves, et de produits chimiques transportés par ruissellement. La pollution maritime provient rejet de déchets et/ou d’hydrocarbures par les usagers, de la dégradation des revêtements des navires, de fuites lors de l’exploitation pétrolière offshore, de perte de cargaison, d’épaves…

Une part non négligeable arrive par les airs (vents, pluie) qui transportent des pollutions provenant

-de l’activité humaine sur terre (émissions des industries et des incinérateurs et des industries, gaz d’échappement des véhicules, hydrocarbures imbrûlés, débris en plastique légers emportés par le vent etc.) ou de sources naturelles (volcans, feux de forêt …)

-de l’activité maritime (navires marchands ou militaires, paquebots et remorqueurs) propulsés par des moteurs alimentés au fioul lourd (non désoufré). L’utilisation de ce combustible émet des fumées et des gaz qui dérivent le plus souvent vers les terres (70 % du transport maritime passe à moins de 400 km des côtes) où ils produisent des pollutions acides et particulaires.

La pollution par les airs qui reste en surface retourne dans l’atmosphère sous forme de vapeur ou par les aérosols des embruns enlevés par le vent et pourra aussi atteindre la terre en partie.

Parmi tous les polluants des océans les déchets en plastique et les hydrocarbures sont les plus inquiétants/préoccupants.

85% des déchets marins sont en plastique

Dans son dernier rapport publié en octobre 2021, l’ONU il arrive actuellement 8 millions de tonnes de déchets plastiques chaque année et que le masse totale de ces déchets dans les océans, estimée à 150 millions de tonnes en 2021, pourrait doubler d’ici à 2030.

La quasi totalité du plastique déversé dans les océans (99 %) coule et ce qui reste à la surface, dans une couche superficielle de quelques dizaines de mètres d’épaisseurs, est entraîné par les courants et de vastes tourbillons, les gyres, résultant de de l’action de la force de Coriolis due à la rotation de la Terre. Ces déchets plastique de surface finissent pas s’accumuler dans des« plaques » dont la plus connue est le vortex du Pacifique Nord,également appelé « 7ème continent », dont la surface est estimée à 1.400.000 km² au moins, près de 3 fois la surface de la France.

En profondeur ou en surface, on trouve un nombre colossal de micro-plastiques d’une taille inférieure à 5mm, qui représente un risque sanitaire sérieux par leur capacité à être ingérés à tous les stades de la chaîne alimentaire

Quelques soient leur taille ces débris perturbent la diffusion de la lumière, étouffent la flore et la faune qu’il recouvrent ou emprisonnent, intoxiquent les espèces qui les ingèrent tant par eux même que par les produits toxiques qu’ils ont fixé. Plancton, coraux,herbiers, mangroves, crustacés, poissons, tortues, oiseaux, mammifères…, sont exposés à des risques vitaux par famine, intoxication ou suffocation.

C’est l’ensemble des être vivants qui peuplent les océans qui est touchée par la pollution plastique.

Pétrole et hydrocarbures

Torrey Canyon en 1967, Amoco Cadiz en1978, Atlantic Empress en 1979 Exxon Valdez en 1989, Terminaux du Golfe persique en 1991, Erika en 1999, Prestige en 2002, Deep Water Horizon en 2010… Ces accidents spectaculaires et dramatiques ne doivent pas faire oublier que chaque années 1,5 millions de tonnes de produits pétroliers et 350 000 tonnes d’hydrocarbures divers viennent discrètement polluer les océans partout dans le monde.

Les causes sont multiples : Fuites au cours de l’extraction, du transport ou lors de l’exploitation gisements sous-marins, échouages et collisions entre navires, dégazage (rejets illicites de boues de fioul et d’huiles usées)

Les effets des pollutions pétrole ou aux hydrocarbures en milieu marin sont à la fois physiques (engluement, étouffement des habitats,…) et toxiques (contamination des organismes, perturbations des leurs métabolismes,…). Ils touchent toutes les formes de vie dans, sur ou à proximité des océans : plancton, coraux, poissons, reptiles, oiseaux, mammifères, végétation marine ou littorale.

D’autres pollutions déstabilisent ou détruisent les écosystèmes marins, notamment

-l’azote de fertilisation, les phosphates responsables de la prolifération des algues vertes et/ou d’algues toxiques qui affectent les poissons, les mollusques à proximité des cotes ,

-les espèces invasives, véritable pollution génétique qui résultent de négligence dans le transport des hommes ou des marchandises (ballasts des bateaux, autre ? )

La pollution des océans résulte d’une gestion insuffisante et inappropriée des déchets humains et de la dissémination de produits toxiques par les industries, l’agriculture, le transport des marchandises. Elle cause le recul de la biodiversité marine et le déclin d’écosystèmes essentiels de la planète au point de gravement menacer la capacité des océans à remplir les fonctions vitales pour l’humanité.

L’exploitation des océans va-t_elle épuiser leurs ressources ?

De la pêche de subsistance à la (sur)pêche

La capture de poissons et de coquillages marins est pratiquée depuis la côte dès la préhistoire et les premiers outils de pêches retrouvés à ce jour datent du Néolithique tandis que les premières traces de la pêche en mer date de l’Antiquité Grecque. La pêche en haute mer se développe avec l’essor de la navigation au XVème siècle, les premiers chalutiers apparaissent dans l’Atlantique Nord XVIIème siècle.

Au XIXème siècle, avec l’abandon de la voile au profit de machines à vapeur, les bateaux de pêches deviennent plus grands et peuvent partir plus loin et plus longtemps vers de nouvelles eaux poissonneuses. Le développement du chemin fer permettra d’intensifier la commercialisation des produits de la mer au-delà de la zone côtière. Les effets de la surpêche maritime sont observées au large des côtes écossaises dès la fin du XIXème siècle  (raréfaction des harengs) et au début du XXème siècle (les sardines désertent la baie de Douarnenez).

Avec le développement de la pêche industrielle après la première guerre mondiale, la surpêche prend une dimension planétaire dans un contexte de croissance démographique et de bouleversement des habitudes alimentaires.

De 1961 à 2018, le taux de croissance annuel moyen de la consommation totale de poisson alimentaire atteint 3 %, soit près deux fois celui de la population. La consommation annuelle de poisson alimentaire par habitant est passée de 9,0 kg à 20,5 kg .

Au total la FAO estime que sur les 179 millions de tonnes de la production mondiale de poisson en 2018, l’aquaculture représente 82 millions de tonnes soit près de 52 % de la consommation humaine (156 millions de tonnes). Bien que l’explosion des productions aquacoles (+500 % au cours des 40 dernières années) aient absorbées la majeure partie de la croissance de la consommation de poisson, les captures océaniques ont également augmenté et la part des stocks de poissons exploités à un niveau biologiquement durable à l’échelle mondiale est passée de 90 % en 1974 à 65,8 % en 2017.

En 2020 la FAO a annoncé que parmi les espèces de poissons concernés par la surpêche : 8 % serait épuisées, 17 % surexploitées et 52 % exploitées à leur maximum. Cela touche plus particulièrement la morue à Terre-Neuve, la sardine en Californie, le hareng en mer du Nord et l’anchois au Pérou.

Le Code de conduite pour une pêche responsable, adopté à l’unanimité par les Membres de la FAO en 1995, est d’application volontaire, toutefois certaines parties se fondent sur les règles du droit international, ce qui ne facilite pas l’assimilation des principes fondamentaux d’un développement durable et responsable des pêches et de l’aquaculture.

Bien que les dernières mesures révèlent une tendance à l’amélioration de la gestion de la pêche marine ou continentale, les enjeux planétaires, qu’ils soient économiques, environnementaux et sociaux, sont de taille : Le secteur primaire de la pêche et de l’aquaculture représente près de 60 millions d’emplois dans le monde où plus de 3 milliards de personnes dépendent des poissons pour 20 % de leur apport en protéines animales.

On comprends facilement qu’avec la croissance démographique à venir gestion des pêches devra préserver la faune piscicole et sa diversité pour prévenir préserver la sécurité alimentaire, en particulier dans les pays côtiers pauvres où de nombreuses personnes dépendent de la pêche pour vivre.

La surexploitation touche aussi le littoral et guette les fonds marins.

Outre leur sensibilité aux phénomènes d’érosion naturelle, les ont exposées à une dégradation d’origine humaine (surexploitation du sable, urbanisation galopante,…) qui doit être intégrée dans une approche holistique des risques liées au dérèglement climatique, en particulier les inondations ou la submersion de bandes littorales (600 millions d’êtres humains vivent à moins de 10m au dessus du niveau de la mer).

Les fonds marins attirent toutes les convoitises.Après le pétrole et gaz, les nodules polymétalliques, riches en minerais de toute sorte et tapissent dans les sols sous marins, représentent une ressource dont l’exploitation future est un risque réel de déséquilibre des fonds océanique si elle est intensive et désordonnée.

La gouvernance des océans est trop fragmentée …

Elles relève d’acteurs multiples : organismes environnementaux, institutions de réglementation (transport, l’exploitation minière et l’extraction du pétrole et du gaz…), agences des pêches, qui forment un assemblage de silos au fonctionnement lent et complexe, faiblement opérant et illisible pour les citoyens du monde.

Les stratégies et les politiques en matière de dérèglement climatique, de biodiversité et d’environnement, de pêche, et de réduction de la pauvreté sont souvent élaborées et mises en œuvre par divers organismes cloisonnés. Là est le problème ! Les effets cumulés de mécanismes distincts ne peuvent pas être efficacement gérés de manière segmentée par des recommandations non contraignantes basées sur d’improbables consensus qui n’ont que peu d’effet sur les processus anthropiques qui alimentent le risque d’irréversibilité des dégâts dans et sur les océans et leur conséquence pour l’Humanité.

La situation est compliquée par le fait que

-les zones ne relevant pas de la juridiction nationale ( Eaux Internationales = 64 % de la surface des océans …) sont qualifiées de « biens communs planétaires » dont le manque d’appropriation entraîne la dégradation.

-les zones économiques exclusives des pays, entités juridiquement distinctes, sont liées par leur réalité biologique et écologique : les espèces océaniques et les écosystèmes sont mobiles et ne connaissent pas les frontières politiques.

La gouvernance des océans doit évoluer

Alors que de partout dans le monde les discours convergent pour dire que, pour être améliorée, la gouvernance des océans doit être intégrée et écosystémique, elle ne pourra se faire sans la coordination des réglementations des zones côtières entre elles et avec un instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la Convention sur le droit de la mer en matière de conservation et d’utilisation de la biodiversité marine des eaux internationales : tout un programme !

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