Dans un contexte international difficile Cuba réforme peu à peu son économie depuis plus d’une décennie. Les dernière mesures sont mal vécues par la population qui souffre d’une inflation galopante sur fond de pénuries aggravées par la marché noir. Le mécontentement gronde et l’émigration explose alors que les dirigeants du pays sont pris en tenaille entre la libéralisation de l’économie et son contrôle.
Cuba… Lorsque l’on évoque le nom de cette grande île des Caraïbes des images de cartes postale défilent : plages paradisiaques, musique omniprésente, mojito, cigares…. Là bas, le temps semble s’être arrêté, que ce soit sur ses routes où circulent côte à cote de vielles bagnoles américaines et des carrioles tirées par des chevaux, ou dans les ruelles bordées de bâtiments coloniaux à La Havane, Cienfuegos ou Trinidad.
Une réalité singulière
Bien que la Révolution, le Che, Castro soient omniprésents dans les villes à coup de graffitis et d’affiches sur les murs, comme dans les campagnes, sur les panneaux bordant les grands axes, la réalité de Cuba la communiste est singulière. Bien que le pire soit derrière eux (la « période spéciale » qui a fait suite à l’effondrement du bloc soviétique) les Cubains s’accommodent vaille que vaille des difficultés économiques chroniques résultant de la gestion centralisée de l’appareil productif et de l’embargo imposé par les USA.
Malgré les indéniables services apporté par l’État en matière d’éducation et de santé, le rationnement alimentaire et l’accès limité à l’information (et à internet) sont des réalités quotidiennes plus ou moins bien acceptées par les cubains qui bénéficient inégalement des réformes économiques des dernières années.
Cuba face aux défis
En prenant la succession de son frère, Raul Castro a (un peu) rompu des tabous de la Révolution en autorisant la création de petites entreprises et l’accès à la propriété, dans quelques secteurs, seulement, l’armée contrôlant encore des pans entiers de l’économie.
Pour relever les nombreux défis pesant sur l’économie cubaine après la crise de 2008, l’administration du pays a décidé de lancer un vaste programme de réformes lors du VIème Congrès du Parti communiste de Cuba (PCC). 313 lignes directrices, dites « lineamientos » y ont été approuvées en vue d’ « actualiser » le modèle économique et social du pays pour assurer la « soutenabilité et la préservation du système social » cubain. Cette politique du gouvernement Cubain se décline en deux axes : la mise en place d’un secteur privé indépendant et la volonté d’attirer les investissements étrangers dans le pays.
Entérinées par ce congrès de 2011, les principales mesures en faveur du développement ont d’abord porté sur l’ouverture de près de 200 activités professionnelles au secteur privé et l’autorisation pour les agriculteurs de travailler une terre qui leur appartient.
Les petits commerces sont autorisés ainsi que plusieurs pratiques, auparavant informelles, comme la vente de son logement ou de sa voiture (seuls le prêt ou le troc étaient autorisés dans ces cas-là, les paiements étaient occultes et la corruption était la règle). L’introduction de la propriété privée a été un changement historique à Cuba dont le système économique et social est, depuis les années 1960, de type socialiste, centralisé et égalitaire.
Des mesures prévoient aussi l’ouverture du pays aux capitaux étrangers et le gouvernement a également promis des crédits bancaires pour faciliter la création d’entreprises. Une « zone de développement spéciale » a été implanté en 2013 sur le port de Mariel, à 40 km de La Havane, afin de développer les industries biotechnologiques et agro-alimentaires notamment. La loi sur les investissements étrangers (IDE) votée en mars 2014, crée un cadre réglementaire et fiscal attractif et ouvre aux IDE des secteurs nécessitant des investissements lourds (énergie, infrastructures, transports…).
Adossée à une activité encore majoritairement nationalisée, l’économie restera planifiée avec une bureaucratie simplifiée et une réduction de nombre de fonctionnaires afin de contenir le déficit public.
Créations d’entreprises à Cuba
Également destinée à absorber les licenciements dans la fonction publique, la libéralisation du travail à son compte (cuentapropismo) permet aux cubains de créer une entreprise. Plus cent professions sont autorisées, de coiffeur à mécanicien en passant par gérant de chambre d’hôtes, et il est désormais possible d’embaucher du personnel pour 83 de ces activités. On compte aujourd’hui près de 600 000 microentreprises qui font vivre 20 % de la population active.
Le secteur privé est principalement tiré par le développement du tourisme (première ressource avec 10 % du PIB) qui draine plus de 3,5 millions de visiteurs par ans et qu’il faut loger, nourrir, divertir avec des prestations de qualité. Des chambre d’hôtes (casa particulares) se sont ouvertes par milliers et certaines peuvent même être réservées via Airbnb, on trouve aussi des petits restaurants (paladeres) et de nombreuses échoppes où sont vendus des objets artisanaux dans tous les sites fréquentés par les étrangers.
Des secteurs qui étaient étatiques avant ne le sont plus : plomberie, menuiserie, mécanique, réparations etc. Dans le secteur de la construction et de la rénovation de maisons ou d’immeubles on trouve des petits travailleurs indépendants et des entreprises qui peuvent employer des dizaines de salariés et qui sont de véritables PME.
Tous ces écosystèmes fonctionnent avec des moyens limités et un mélange de système D et de bidouille qui permet de faire face à des ressources limitées (matières premières, pièces de rechange télécommunications, internet…) et qui mobilisent le plus souvent des financements familiaux alimentés par les envois de devises (remesas) des cubains de l’étranger.
Société à deux vitesses
Dans ce système atypique ou d’un coté les militaires dirigent tout (ou presque) dans l’économie avec les dérives que cela entraîne (déresponsabilisation, passe droit, corruption, prédation des biens publics) et le secteur privé en plein essor on voit l’émergence d’une société à deux vitesses, amplifiée par la coexistence de deux monnaies. Les activités payées avec la monnaie convertible n’ont de retombées que pour une partie de la population qui peut gagner en une journée ce que perçoit en un mois l’autre partie, employée par l’État et payée en monnaie nationale non convertible, qui supporte difficilement le rationnement et la pauvreté.
Ainsi, les « élites traditionnelles » ne le sont plus à tel point que de nombreux Cubains abandonnent leur emploi de professeur ou d’avocat, pour devenir serveurs ou chauffeurs de taxi afin de profiter de la manne apportée par le tourisme. On peut se demander si,dans cette société schizophrène, les jalousies ne viendront mettre un frein au développement des petites entreprises locales. Réciproquement la recherche d’investisseurs internationaux peut déboucher sur une déferlante de projets opportunistes dont le bénéfice à long terme pour Cuba est incertain si leur pilotage est bureaucratique.
La tâche ardue de Miguel Diaz-Canel
Jusqu’où ira la révolution en cours ? Là est l’enjeu pour le nouveau président, Miguel Diaz-Canel, désigné Président du Conseil d’État le 19 avril 2018 pour prendre la suite de Raul Castro. Dans son premier discours il a déclaré : “Le mandat donné par le peuple à cette législature est de poursuivre la révolution cubaine dans un moment historique crucial (…) dans le cadre de l’actualisation du modèle économique” pour préciser ensuite “Je viens travailler, je ne viens pas promettre”. C’est donc une tâche ardue qui attendait ce jeune civil qui a du composer avec la vieille garde historique.
Face à l’effondrement de l’économie en 2020 (-11 %) causée par la pandémie Covid, qui a tari les flux de devises touristiques le gouvernement a accéléré le tempo des réformes début 2021.
-en autorisant beaucoup plus largement l’activité privée limitée à 127 des 2000 secteurs de économie cubaine pour n’en réserver que 124 aux acteurs publics, dont le commerce de détail;
-en unifiant le deux monnaies du pays, le peso local utilisé par les Cubains et le peso convertible imposé aux touristes (avec une valeur une parité d’un dollar), pour ne garder que le peso local.
La transition des entreprise d’état vers le secteur privé est difficile. Privées de leurs subventions, leurs coûts explosent et leurs prix de vente d’autant ce qui provoque un tsunami inflationniste (+ 70 % par an selon les données officielles) que l’augmentation des salaire ne suffit pas à compenser.
L’agriculture de l’île ne couvre que 15 % des besoins du pays que les importations ne peuvent totalement couvrir faute de devises étrangères et à cause de l’embargo américain. Les pénuries et le marché noir touchent la population au quotidien à tel point que l’émigration progresse très fortement. Principale destination des émigrés Cubains les États-Unis s’attendent à une année record, où 150 000 Cubains pourraient franchir leurs frontières 2022.
Les nouveaux dirigeants qui ont succédé à la fratrie Castro sont actuellement entre le marteau et l’enclume : ils doivent apporter des réponses à la pire crise économique que connaît Cuba depuis 30 ans. Il leur faudra poursuivre nouvelles réformes pour libéraliser l’économie sans risquer d’en perdre le contrôle.
La Révolution n’est pas terminée !
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Le pb fondamental, pour avoir passé 8 jours sur place et suivi 2 projets
** installation commerciale
** investissement
sur plus de 9 mois
est que les autorités en place sont LENTES et ultra-corrompues. Si on ne connaît pas la bonne personne et le bon bakchich dans l’enveloppe, les projets peuvent perdre des années et TOUT leur intérêt pour les investisseurs.
Et comme le marché local a perdu 40% de sa valeur (ou PIB évalué) en euros depuis 2013, les seuls investissements rentables peuvent être tournés vers l’EXPORTATION, avec des difficultés pour contrôler la majorité du capital et des certificats libres d’exportation.
Bref, en 2014-2016, le régime se tirait des balles dans les 2 jambes.
Pas sûr que la situation se soit améliorée depuis..